{:fr}Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de la communication{:}{:en} Open Letter to the Minister of Communication{:}
{:fr}Monsieur Issa Tchiroma Bakary,Ministre de la Communication, porte-parole du Gouvernement
Je suis un chirurgien camerounais exerçant depuis environ une décennie dans des hôpitaux de troisième et quatrième catégorie de notre pays, soignant tant bien que mal mes compatriotes, toujours avec dévouement à l’Homme et passion pour ce noble métier que j’ai choisi, malgré les insuffisances diverses de notre système de santé, malgré les multiples tragédies évitables dues à la pauvreté et malgré nos difficiles conditions de travail et de vie.
Suite à votre point de presse relatif à la mission humanitaire que l’ONG Mercy Ships effectuera bientôt dans notre pays, j’ai été pris d’insomnie, tourmenté par certaines questions auxquelles vous seul pouvez répondre. En résumé, le navire-hôpital Africa Mercy séjournera au Cameroun pendant 10 mois à partir d’août 2017 pour opérer un maximum de 6000 personnes atteintes de pathologies rares et dont le traitement ne se fait pas localement, qui seront sélectionnées dans tous les districts de santé du pays. La prise en charge est complète, comprenant transport aller-retour, nutrition, opération et suivi postopératoire.
En tant que Médecin, toute initiative pour soulager la souffrance humaine générée par la maladie est louable. Je me réjouis pour les quelques 6000 personnes qui pourront être soignées. D’ailleurs j’y enverrai mes patients. En ce sens, l’invitation du Gouvernement à Mercy Ships est à saluer. Toutefois, il importe de se poser quelques questions et d’apporter quelques clarifications.
Lorsque j’ai consulté les critères de sélection des patients destinés à cette mission, j’ai reçu une véritable gifle. Ma fierté professionnelle en a pris un coup. Dire qu’en 2017 au Cameroun des étrangers sont invités pour opérer des hernies, des fistules obstétricales, des goitres ! Avec toute l’expertise médicale qui existe dans ce pays! Lorsque je vous ai ensuite écouté, M le Ministre, l’indignation et la surprise ont pris le relais. Les Camerounais et le monde entier vous écoutant en mondovision se diront qu’au Cameroun les médecins ne sont pas capables d’opérer une hernie ou une cataracte. Et pourtant, mes collègues et moi avons des compétences très poussées acquises ici et ailleurs. Je puis vous assurer qu’aucune des pathologies visées par cette mission humanitaire n’est au-dessus de notre technicité. Et même le plateau technique de nos hôpitaux de 3ème ou 4ème catégorie peut suffire pour en opérer la quasi-totalité. Le vrai dénominateur de tous ces patients, Monsieur le Ministre, est la pauvreté. En effet, ils sont pour la plupart malades depuis des années. Diagnostiqués, ils n’ont pas pu réunir les moyens nécessaires pour se faire opérer. Nés malformés ou déformés par un accident, ils ont vécu longtemps reclus et inactifs, faute de moyens. En donnant la vie, des femmes ont été victimes de la fistule obstétricale qui a empoisonné leur vie en les rendant infréquentables.