Urgences médicales : Au-delà de la circulaire du 28 février 2016
Le 28 février dernier, une circulaire du Ministère de la santé « rappelait » aux directeurs des formations sanitaires publics de 1er, 2ème et 3ème catégorie, les dispositions antérieures et toujours en vigueur, à savoir que les urgences médicales et chirurgicales ‘’vitales ‘’ bénéficient d’une prise en charge urgente et prioritaire ; le paiement des soins et autres actes étant exigibles 24 heures plus tard.
Nous approuvons pleinement cette mesure, dont les intentions sont louables et visent à rassurer les populations au vu des récents événements. Il nous semble cependant que la démarche la plus opportune aurait du être celle de commander un audit des ‘’urgences médico-chirurgicales’’ dans lesdits hôpitaux. Car comment appliquer une telle mesure si on ignore quels sont les moyens logistiques, techniques et humains disponibles ?
Le grand public doit savoir que la problématique du traitement des urgences est complexe, et va bien au-delà des actes et des soins, ‘’présumés garantis’’ pour les 24 premières heures. Précision a été faite que cette mesure s’appliquerait uniquement pour des urgences ‘’vitales ». Selon la classification de NACA*, le pronostic vital immédiat est engagé à partir du stade 4 (sur 7). Il s’agirait à titre d’exemple, de certaines hémorragies graves, de crise d’asthme sévère, d’infarctus du myocarde (crise cardiaques), ou encore d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) … Sachant cela, il parait évident qu’aux urgences, les ressources à mobiliser peuvent varier de façon considérable selon le patient. De plus certaines de ces urgences vitales nécessiteraient une prise en charge extrahospitalière ou un transfert dans un cadre de référence, impliquant un service d’ambulances médicalisées fonctionnel. Il y a peu nous apprenions que l’Hopital Gyneco-Pediatrique de Douala ne disposait pas de service de réanimation. Qu’en serait-il dans cette structure si un jeune enfant y était emmené en urgence dans le coma après un accident de la circulation ? Il serait ‘’référé’’ ailleurs et devrait probablement s’y rendre par ses propres moyens au vu de l’absence de services d’ambulances SAMU gratuit. Quand bien même cet enfant aurait été transféré, cette circulaire ne fournira pas de poches de sang provenant d’un centre national de transfusion fantôme s’il était victime d’une hémorragie massive. Cette circulaire ne remettra pas en marche un scanner en panne s’il s’avère qu’il faille lui diagnostiquer un hématome cérébral, ni ne réapprovisionnera un groupe électrogène en cas de coupure de courant si cet enfant venait à être opéré.
Les actes et les soins attendus en cas d’urgences vitales sont tout aussi subjectifs que les formations sanitaires sont malheureusement différentes. C’est en cela que nous tenons à dédouaner les professionnels de santé, placé en première ligne une fois de plus face à la grogne des patients et des familles. Au-delà des ressources humaines adéquates il faut considérer les ressources matérielles dont les professionnels ne sont absolument pas responsables. Pour la prise en charge des patients en urgence, il faut en plus des traditionnels kits comprenant les consommables basiques (gants, solutés, seringues …), que soit disponible un plateau technique adéquat. Bien au-delà de l’équipe médicale, c’est toute une chaine qui devra jouer le jeu et surtout en avoir les moyens (banque de sang, laboratoire, service d’imagerie, pharmacie, ambulanciers, services comptables …).
Ces 24 heures prétendument dédiées à sauver la vie des patients, ne pourraient être que 24 heures d’attentisme et d’agonie. Car sachons le, cette circulaire n’est pas un totem pourvoyant 24 heures d’immunité à quiconque franchirait le seuil des urgences d’un hôpital public de 1er, 2ème ou 3ème catégorie.
MedCamer
09.03.2016