Tribune libre

Décès du Dr Faycal: l’incurie de trop

 Il y’ a 48 heures, un jeune médecin de 30 ans est décédé dans des conditions indignes qui posent des questions extrêmement lourdes. Affecté à Poli dans le département du Faro, région infestée de serpents, le Dr Fayçal aurait succombé à une morsure , faute de plateau technique adéquat disponible sur place.

Quand on y pense, faut-il qu’un médecin soit affecté à Poli ? J’entends déjà l’argument supposé imparable des prêcheurs bornés , qui martèleront que les populations de Poli comme les autres ont besoin de médecins. Justement, ce serait une fois de trop cautionner la mise des charrues avant les bœufs. Sans remettre en cause le droit aux soins des populations de Poli ou de toute autre région du Cameroun, rappelons que le médecin n’est pas le seul garant de la santé des populations. Il n’est qu’un maillon de la chaine. Qu’aurait pu faire notre collègue pour un patient qui aurait été mordu à sa place ? Rien. Face à ce serpent, quelles étaient les chances de survie de notre confrère ? Autant que celles des habitants du coin, c’est-a-dire aucune.
Comment ne pas s’en remettre au sort quand on est parachuté si loin de tout, et qu’on manque du minimum ? Car c’est bien le minimum dans cette région, que de disposer de sérum antivenimeux et des mesures de réanimation devant s’y associer.

Ce n’est pas un serpent qui a tué notre collègue, mais bien notre pseudo système de santé plus que bancal, où des éminents cerveaux nichés dans les bureaux cossus des services centraux, se bornent à affecter des médecins dans des dispensaires aux quatre coins du pays, comme solution toute trouvée à tous les problèmes des populations locales.Pour rappel, << le Médecin doit exercer sa profession dans les conditions lui permettant l'usage régulier d'une installation et des moyens techniques nécessaires à la pratique de son art >> (Art. 10 du décret n° 83-166 du 12 Avril 1983 portant Code de déontologie des médecins).

Un homme est mort, volontaire pour exercer son métier certes, mais pas pour autant suicidaire. Imaginait-il seulement à quel point il mettait sa propre vie en danger, en allant de bonne foi sauver le monde avec son stéthoscope comme seule arme ? Comment une fois conscient des risques encourus, ne serait-on pas tenté de se mettre à l’abri en s’expatriant comme tant d’autres ?
Ils sont nombreux, ceux d’entre nous qui veulent bien faire. Mais que vaut la volonté sans les moyens ? Sans infrastructures ni matériel ? Sans protection sociale ? Sans politique de santé appropriée ? Tous ces manquements réduisent inexorablement les médecins à jouer les illusionnistes.

Author

Ngounou Nzietchueng Caline

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